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mardi 22 septembre 2020

Mort de Balder, mort du Soleil

 


Maintes fois narré en de multiples versions, le mythe de la mort de Balder revêt une importance capitale dans la mythologie nordique, du fait notamment de sa charge symbolique comme de ses profondes implications métaphysiques.

Fils d'Odin (Wotan) et de Frigg, Balder (souvent orthographié Baldr et parfois nommé Baldur), dieu solaire à la rayonnante chevelure blonde, était le plus beau de tous les Ases. Brillant de mille feux, il incarnait tout à la fois la lumière, la jeunesse, la beauté et l'amour. Aimé de tous, tant à Midgard qu'en Asgard, il menait une existence idyllique en compagnie de son épouse Nanna, déesse lunaire incarnant la joie et la paix.

Mais un jour, une ombre inquiétante vint soudain obscurcir le mirifique tableau. Balder se mit à faire de mauvais rêves, de façon récurrente. Nuit après nuit, il endurait de sinistres cauchemars mettant en scène sa propre mort, tant et si bien qu'il en fut très éprouvé, et finit par perdre sa sérénité et son insouciance coutumières. Les autres Ases s'en inquiétèrent, et son père Odin se rendit à Niflheim, le monde glacé des ténèbres et de la mort, pour y consulter l'âme d'une prophétesse défunte. Celle-ci lui révéla alors le funeste destin de son fils.

Lorsque Odin fut de retour en Asgard et en avisa Frigg, celle-ci, en mère angoissée, voulut tout faire pour contrer le sort. Elle entreprit de parcourir le monde et de faire jurer tous les végétaux, animaux et même minéraux de la création qu'aucun d'entre eux ne causerait jamais le moindre mal à Balder. Et c'est ainsi que le dieu rayonnant à l'éternelle jeunesse devint invulnérable... ou presque.

En secret, le maléfique Loki était jaloux de l'éclat de Balder, comme de l'admiration générale  et des égards dont il faisait constamment l'objet. Maladivement envieux, il en conçut un fort ressentiment qui ne tarda pas à se muer en une malsaine volonté de nuire à celui qui, à ses yeux, l'éclipsait. Par un procédé magique, il prit l'apparence d'une femme, et alla s'entretenir avec Frigg. Ayant réussi à la mettre en confiance, celle-ci lui avoua alors qu'une seule et unique créature n'avait pas prêté serment. Il s'agissait du gui, un végétal qu'elle avait jugé inoffensif, trop jeune et trop frêle pour qu'il soit nécessaire de le faire jurer. Loki tenait ainsi l'information qu'il cherchait.

L'invulnérabilité de Balder, d'abord perçue comme une curiosité, devint vite une sorte d'attraction pour les autres dieux, qui s'amusaient à lui jeter toutes sortes d'armes et d'objets sans que cela lui causât aucun dommage. Lors d'une grande fête qui les rassemblait tous, ils ne se privèrent donc pas de lui asséner force coups d'épées,  ni de le cribler de flèches, lances et javelots de toutes natures dans l'allégresse générale, puisque rien ne parvenait à le blesser, pas même à l'égratigner. A l'émerveillement général, tout le laissait parfaitement indemne.

Mais Loki le malveillant était là. Sournoisement, il vint trouver Höd (connu aussi comme Hodr/Hoder ou Hodur), frère aveugle de Balder, et lui enjoignit de se joindre au jeu, lui proposant de l'aider. Selon les versions du mythe, Loki remit alors à Höd soit un arc et une flèche en bois de gui, soit une lance imprégnée de suc de gui, soit une simple branche de gui taillée en pointe, et guida la main de l'aveugle, afin que celui-ci puisse atteindre son frère. A l'instant même où l'arme fatale toucha Balder, celui-ci s'effondra raide mort. Le désarroi fut immense chez les dieux, à commencer par Höd, meurtrier involontaire de son frère. Quant à Nanna, elle mourut de chagrin lors de l'incinération de son époux. 

Les hommes comme les dieux se lamentèrent tant de cette tragique disparition qu'Hermod, autre frère de Balder, emprunta Sleipnir, le cheval à huit pattes de son père Odin, et chevaucha neuf nuits jusqu'à Helheim, royaume des morts, dans l'espoir de l'en faire revenir. Là-bas il vit Balder assis à la place d'honneur aux côtés de Hel, la déesse régnant sur ce sombre royaume, et il supplia cette dernière de lui permettre de ramener Balder avec lui. Hel déclara qu'elle n'accepterait qu'à une condition : que tout dans le monde, absolument tout,  créatures vivantes comme objets, pleure Balder. Si la moindre créature ou le moindre objet refusait de le faire, alors elle refuserait de le laisser partir, et le garderait auprès d'elle à jamais. Hermod revint en Asgard, et informa les dieux de la condition imposée par Hel. Ils envoyèrent alors des messagers aux quatre coins du multivers pour demander à chaque être et à chaque chose de pleurer Balder, ce que tous firent sauf une créature : la géante Thokk, qui n'était probablement autre que Loki lui-même, ayant pris cet aspect !  A cause de ce subterfuge  déloyal, Balder se vit donc contraint de rester en Helheim...

La mort de Balder, présage funeste s'il en est, marque l'entrée dans une période ténébreuse. Une phase terminale qui connaîtra son épilogue avec le Ragnarök, bataille titanesque qui verra l'anéantissement du monde et la mort des dieux eux-mêmes, en une terrible fin de cycle. Mais qui dit fin de cycle dit commencement d'un nouveau, et non fin de toute chose. Après le Ragnarök, lorsque le monde renaîtra, Balder pourra enfin sortir de Helheim... et reviendra.

Notons que le germanique Baldr/Balder/Baldur correspond de manière assez flagrante à ces autres dieux solaires que sont entre autres le celtique Bel/Belen/Belenos (dans le nom duquel on retrouve la même racine indo-européenne Bal/Bel), et le gréco-romain Apollon, dont divers mythes et prophéties évoquent également la disparition, suivie d'un grand retour annoncé. Belen est notamment censé mourir - les toponymes indiquant son lieu supposé de sépulture comme Tombelaine abondent - avant de renaître, tout comme le retour d'Apollon est attendu avec ferveur. Une concordance des traditions qui, à l'instar de beaucoup d'autres, témoigne de l'unité fondamentale d'un monde européen multimillénaire, celui des fils de Thulé.

Ajoutons enfin qu'au delà de sa dimension eschatologique, en tant qu'élément déclencheur d'un processus conduisant inéluctablement au Ragnarök - non pas fin du monde, mais fin de cycle cosmique - , ce mythe de la mort de Balder peut aussi s'interpréter comme une autre allégorie : celle de la mort du Soleil au moment de l'équinoxe d'automne, porte d'entrée de la saison sombre. Et inversement, son retour d'Helheim s'interprète alors comme la renaissance cyclique du Soleil à l'arrivée du printemps. Le mythe germano-nordique s'apparente alors au mythe gréco-romain de l'enlèvement de Perséphone/Proserpine par Hadès/Pluton à l'équinoxe d'automne, et de sa remontée des enfers au printemps. La mort de Balder, puis sa renaissance, symbolisent avant tout celles du Soleil, dans le grand cycle cosmique comme dans le petit cycle annuel.

Hans CANY







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